mercredi 15 décembre 2010

Désertion

La melancolía deserta de la ilusión. Su retórica se hunde en acciones que ya vencieron. –El vestido que usaste en ocasión de ser mirada por última vez, deberías quemarlo. El amor, no siempre da pájaros.

Sandro Barrella, Los pájaros, Buenos Aires, Bajo la luna, 2010, p. 16

[La mélancolie déserte l’illusion. Sa rhétorique s’enfouit dans des actions qui ont déjà vaincu. –La robe que tu as portée à l’occasion d’être regardée pour la dernière fois, tu devrais la brûler. L’amour ne donne pas toujours d’oiseaux.]




Sol Le WITT
Color aquatint and lift ground aquatint - 119.4 x 77 cm 


samedi 11 décembre 2010

Chanson d'amour


He loved her and she loved him.
His kisses sucked out her whole past and future or tried to
He had no other appetite
She bit him she gnawed him she sucked
She wanted him complete inside her
Safe and sure forever and ever
Their little cries fluttered into the curtains

Her eyes wanted nothing to get away
Her looks nailed down his hands his wrists his elbows
He gripped her hard so that life
Should not drag her from that moment
He wanted all future to cease
He wanted to topple with his arms round her
Off that moment's brink and into nothing
Or everlasting or whatever there was

Her embrace was an immense press
To print him into her bones
His smiles were the garrets of a fairy palace
Where the real world would never come
Her smiles were spider bites
So he would lie still till she felt hungry
His words were occupying armies
Her laughs were an assassin's attempts
His looks were bullets daggers of revenge
His glances were ghosts in the corner with horrible secrets
His whispers were whips and jackboots
Her kisses were lawyers steadily writing
His caresses were the last hooks of a castaway
Her love-tricks were the grinding of locks
And their deep cries crawled over the floors
Like an animal dragging a great trap
His promises were the surgeon's gag
Her promises took the top off his skull
She would get a brooch made of it
His vows pulled out all her sinews
He showed her how to make a love-knot
Her vows put his eyes in formalin
At the back of her secret drawer
Their screams stuck in the wall

Their heads fell apart into sleep like the two halves
Of a lopped melon, but love is hard to stop

In their entwined sleep they exchanged arms and legs
In their dreams their brains took each other hostage

In the morning they wore each other's face

Ted Hughes, “Lovesong” in Crow. From the Life and Songs of the Crow, Madrid, Hiperión, 1999, p. 234-237


 Ted Hughes
(1930 - 1998)


Él la amaba y ella lo amaba
Él, sus besos la vaciaban de todo pasado o futuro o eso intentaban
No conocía otro alimento
Ella lo mordía chupaba mordisqueaba
Lo deseaba entero en su interior
A salvo y bien seguro para siempre jamás
Ellos, sus gritos revolaron entre las cortinas

Ella, sus ojos no admitían que nada se escapara
Sus guiños le clavaron manos muñecas codos
Él la agarraba fuerte para que la existencia
No se la llevara de aquel instante
Quería que el futuro se acabara
Quería caerse abrazado a ella
Caerse del borde de aquel instante
Hacia la nada o hacia lo eterno o lo que fuera
Ella, su abrazo era una prensa gigantesca
Quería ver su huella en cada hueso
Él, su sonrisa era el aguijón de una araña
Él se tumbaba, inmóvil, hasta sentir su hambre
Él, sus palabras eran ejércitos de ocupación
Ella, sus risas eran los intentos de un asesino
Él, sus guiños eran balas puñales de venganza
Ella, sus miradas eran fantasmas con horribles secretos
Él, sus susurros eran látigos y botas de montar
Ella, sus besos eran abogados escribiendo sin pausa
Él, sus caricias eran los últimos anzuelos de un náufrago
Ella, sus costumbres eróticas eran un chirrido de llaves
Ellos, sus gritos se arrastraban por el suelo
Como bestias uncidas a una trampa

Él, sus promesas eran la mordaza del cirujano
Ella, sus promesas le abrieron la tapa de los sesos
Se haría un broche con los restos
Él, sus votos de amor le abrieron los tendones
Le enseñó cómo hacerse un nudo de amor
Ella, sus votos le bañaron los ojos en formol
Los guardó en su cajón secreto
Ellos, sus gritos se aplastaban contra el muro

Sus cabezas se abrieron en el sueño
Como las dos mitades de un melón,
Pero el amor es algo difícil de parar

Mientras dormían enlazados, intercambiaron brazos piernas
Mientras soñaban, sus cerebros se secuestraron mutuamente

Al despertar, vestían el rostro del otro

Traducción de Jordi Doce





Il l’aimait elle l’aimait
Il suçait de ses baisers tout son passé son futur du moins l’essayait-il
Il n’avait d’appétit que pour elle
Elle le mordait le rongeait le suçait
Elle le voulait intégralement en elle
Bien à l’abri au chaud à jamais pour toujours
Leurs cris voltigeaient petits oiseaux dans les rideaux

Ses yeux à elle n’avaient besoin d’aucune distraction
Elle lui clouait mains poignets coudes avec ses regards
Lui l’agrippait très fort pour que la vie
Ne la sépare pas de l’instant
Il voulait que le futur cesse
Il voulait basculer, bras lui entourant la taille,
Depuis le bord même de l’instant, tomber avec elle au néant,
Dans l’infini ou autre chose qui existât
Elle avait l’étreinte pareille à une immense presse
A l’imprimer en elle
Lui, sourires pareils aux mansardes d’un château de fée
Où le monde réel n’entrait jamais
Elle, sourires comme morsures d’araignée
Qui le paralysaient jusqu’à ce qu’elle ait faim
Ses mots à lui étaient armés d’occupation
Ses rires à elle, tentatives d’assassinat
Lui ses regards, balles et dagues de vengeance
Elle ses regards, fantômes dans les coins avec d’horribles secrets
Lui ses murmures, fouets et bottes militaires,
Elle ses baisers, juristes écrivant sans interruption,
Lui ses caresses, hameçons ultimes du naufragé
Elle ses ruses d’amour, grincements de serrures
Leurs cris à tous les deux se traînaient sur les parquets
Comme animal tirant derrière lui un grand piège

Ses promesses à lui étaient bâillons de chirurgien
Ses promesses à elle lui décalottaient le crâne
Elle en faisait une broche
De ses serments il lui arrachait tous ses muscles à elle
Il lui montrait comment faire un noeud d’amour
De ses serments elle plongeait ses yeux dans le formol
Tout au fond d’un tiroir secret
Leurs hurlements collaient aux murs
Leurs têtes tombaient séparément dans le sommeil comme deux moitiés
D’un melon tranché, mais l’amour ne s’arrête pas facilement

Dans le pêle-mêle de leur sommeil ils s’échangeaient bras et jambes
Leurs cerveaux se prenaient l’un l’autre en otage dans leurs rêves

Au matin chacun arborait le visage de l’autre

lundi 29 novembre 2010

Dying - Morir - Mourir

Dying
Is an art, like everything else,
I do it exceptionally well.

I do it so it feels like hell.
I do it so it feels real.
I guess you could say I've a call.

It's easy enough to do it in a cell.
It's easy enough to do it and stay put.
It's the theatrical

Comeback in broad day
To the same place, the same face, the same brute
Amused shout:

'A miracle!'
That knocks me out.
There is a charge

For the eyeing of my scars, there is a charge
For the hearing of my heart----
It really goes.

Sylvia Plath, “Lady Lazarus” in Ariel, Madrid, Hiperión, 1999, p. 34-36

Sylvia Plath

Morir
Es un arte, como todo.
Yo lo hago excepcionalmente bien.

Tan bien, que parece un infierno.
Tan bien, que parece de veras.
Supongo que cabría hablar de vocación.

Es bastante fácil hacerlo en una celda.
Es bastante fácil hacerlo, y quedarse esperando.
Es la teatral

Reaparición a pleno día,
En el mismo lugar; ante la misma cara, al mismo bestial
Y divertido grito

-¡es un milagro!-,
que me deja inconsciente.
Hay que pagar;

Por verme las cicatrices; hay que pagar
Por escucharme el corazón…
Late de veras.

Traducción de Ramón Buenaventura


Mourir
Est un art, comme tout le reste.
Je le fais exceptionnellement bien.

Je le fais et c’est l’enfer.
Je le fais et c’est la vérité.
C’est le retour

Le retour théâtral en plein jour
Au même endroit, au même visage, au même cri
Amusé et brutal :

« Un miracle! »
Qui me terrasse.
Il faut payer

Pour scruter mes cicatrices, payer
Pour entendre mon cœur –
Il bat vraiment bien.

Traduction de Laure Vernière

lundi 22 novembre 2010

Nature morte

HIATUS IRRATIONALIS

Choses, que coulent en vous la sueur ou la sève,
Formes, que vous naissiez de la forge ou du sang,
Votre torrent n’est pas plus dense que mon rêve ;
Et, si je ne vous bats d’un désir incessant,

Je traverse votre eau, je tombe vers la grève
Où m’attire le poids de mon démon pensant.
Seul, il heurte au sol dur sur quoi l’être s’élève,
Au mal aveugle et sourd, au dieu privé de sens,

Mais sitôt que tout verbe a péri dans ma gorge,
Choses, que vous naissiez du sang ou de la forge,
Nature, - je me perds au flux d’un élément :

Celui qui couve en moi, le même vous soulève,
Formes, que coule en vous la sueur ou la sève,
C’est le feu qui me fait votre immortel amant.

H.-P., août 29

Jacques Lacan, Le phare de Neuilly, 1933.



Giorgio Morandi
Huile sur toile - 40.64 x 46.04 cm


Cosas, ya fluya en vosotras el sudor o la savia,
Formas, ya nazcáis de la fragua o de la sangre,
Vuestro torrente no es más denso que mi sueño ;
Y, cuando no os golpeo con un deseo incesante,

Atravieso vuestra agua, caigo hacia la arena
Donde me arroja el peso de mi demonio pensante.
Solo, choca contra el duro suelo donde se eleva el ser
Al mar ciego y sordo, hacia el dios privado del sentido.

Pero, al perecer todo verbo en mi garganta,
Cosas, ya nazcáis de la sangre o de la fragua,
Naturaleza, -me pierdo en el flujo de un elemento :

Aquel que arde en mí, el mismo que os subleva,
Formas, ya fluya en vosotras el sudor o la savia,
El fuego me hace vuestro inmortal amante.

Agosto de 1929

Jacques Lacan, "Hiatus irrationalis" in Héctor Libertella (compilador), Literal 1973-1977, Buenos Aires, Santiago Arcos, 2002, p. 89 - Versión de Oscar Masotta 

vendredi 19 novembre 2010

De mon physique

"Je n'ai jamais eu un beau visage. La jeunesse me tenait lieu de beauté. Mon ossature est bonne. Les chairs s'organisent mal dessus. En outre le squelette change à la longue et s'abîme. Mon nez, que j'avais droit, se busque comme celui de mon grand-père. Et j'ai remarqué que celui de ma mère s'était busqué sur son lit de mort. Trop de tempêtes internes, de souffrances, de crises de doute, de révoltes matées à la force du poignet, de gifles du sort m'ont chiffonné le front, creusé entre les sourcils une ride profonde, tordu ces sourcils, drapé lourdement les paupières, molli les joues creuses, abaissé les coins de la bouche, de telle sorte que si je me penche sur une glace basse je vois mon masque se détacher de l'os et prendre une forme informe. Ma barbe pousse blanche. Mes cheveux, en perdant l'épaisseur, ont gardé leur révolte. Il en résulte une gerbe de mèches qui se contredisent et ne peuvent se peigner. Si elles s'aplatissent elles me donnent un air minable. Si elles se redressent, cette coiffure hirsute semble être le signe d'une affectation. 
Mes dents se chevauchent. Bref, sur un corps ni grand ni petit, mince et maigre, armé de mains qu'on admire parce qu'elles sont longues et très expressives, je promène une tête ingrate. Elle me donne une fausse morgue. Cette fausse morgue vient de mon désir de vaincre la gêne que j'éprouve à me montrer tel que je suis, et sa promptitude à fondre, de la crainte qu'on puisse la prendre pour une morgue véritable."
Jean Cocteau, "De mon physique" in La Difficulté de l'être, (1947), Paris, Rocher, 1989, pp. 31-32
Marie Laurencin
Portrait de Cocteau (1921)

["Nunca tuve un bello rostro. La juventud ocupaba en mí el lugar de la belleza. Mi estructura ósea es buena. La carne se organiza mal por encima. Además, el esqueleto cambia con el tiempo y se estropea. Mi nariz, que era derecha, se encorva como la de mi abuelo. Y he notado que la de mi madre se encorvó sobre su lecho de muerte. Demasiadas tormentas internas, sufrimientos, crisis de duda, revueltas reprimidas a fuerza de puño. Bofetadas de ese tipo me han ajado la frente, han cavado entre las cejas una arruga profunda, han desfigurado esas cejas, han drapeado pesadamente los párpados, han reblandecido las mejillas huecas, bajado la comisura de los labios, de tal manera que si me inclino sobre un espejo bajo veo mi máscara desprenderse de los huesos y adoptar una forma informe. Mi barba crece blanca. Mis cabellos, que han ido perdiendo espesor, han conservado su rebeldía. Se han convertido en un haz de mechas que se contradicen imposibles de peinar. Si se alisan me dan un aire lamentable. Si se enderezan, ese peinado hirsuto parece un gesto afectado.
Mis dientes se encabalgan. En suma, sobre un cuerpo ni alto ni bajo, delgado y magro, armado de manos que despiertan admiración porque son largas y expresivas, paseo una cabeza poco agraciada. Ella me da una falsa altivez. Esta falsa altivez proviene de mi deseo de vencer la incomodidad que me provoca el mostrarme tal como soy y su prontitud a disolverse ante el temor de que alguien pueda confundirla con una altivez verdadera."]

mardi 16 novembre 2010

Achille et Patrocle

Jacques-Louis David
Patrocle (1780)
Huile sur toile - 122 x 170 cm

"Depuis la mort de cet ami qui tout à la fois avait rempli le monde et l'avait remplacé, Achille ne quittait plus sa tente jonchée d'ombres: nu, couché à même la terre comme s'il s'efforçait d'imiter ce cadavre, il se laissait ronger par la vermine de ses souvenirs. De plus en plus, la mort lui apparaissait comme un sacre dont seuls les plus purs sont dignes: beaucoup d'hommes se défont, peu d'hommes meurent. Toutes les particularités dont il se souvenait en pensant à Patrocle: sa pâleur, ses épaules rigides, un rien remontées, ses mains toujours un peu froides, le poids de son corps croulant dans le sommeil avec une densité de pierre acquéraient enfin leur plein sens d'attributs posthumes, comme si Patrocle n'avait été vivant qu'une ébauche de cadavre. La haine inavouée qui dort au fond de l'amour prédisposait Achille à la tâche de sculpteur: il enviait Hector d'avoir achevé ce chef-d'œuvre; lui seul aurait dû arracher les derniers voiles que la pensée, le geste, le fait même d'être en vie interposaient entre eux, pour découvrir Patrocle dans sa sublime nudité de mort. En vain, les chefs troyens faisaient annoncer à son de trope de savants corps à corps dépouillés de l'ingénuité des premières années de guerre: veuf de ce compagnon qui méritait d'être un ennemi, Achille ne tuait plus, pour ne pas susciter à Patrocle des rivaux d'outre tombe."
Marguerite Yourcenar, "Patrocle ou le destin" dans Feux, [(1936), 1957 Plon], Paris, Gallimard - L'imaginaire, 1974, p. 63-65

François Léon Bénouville
La colère d'Achille (1847)
Huile sur toile - 1,56 x 054 cm

["Desde la muerte del amigo que había llenado el mundo y lo había reemplazado, Aquiles no abandonaba su tienda alfombrada de sombras: desnudo, acostado en el suelo como si se esforzara por imitar al cadáver, se dejaba roer por los piojos del recuerdo. Cada vez con más frecuencia, la muerte le parecía un sacramento del que sólo son dignos los más puros: muchos hombres se deshacen, pero pocos hombres mueren. Todas las particularidades que recordaba al pensar en Patroclo -su palidez, sus hombros rígidos, más bien altos, sus manos que siempre estaban algo frías, el peso de su cuerpo desplomándose en el sueño con densidad de piedra- adquirían por fin su pleno sentido de atributos póstumos, como si Patroclo hubiera sido, estando vivo, un esbozo de cadáver. El odio inconfesado que duerme en el fondo del amor predisponía a Aquiles hacia la tarea de escultor: envidiaba a Héctor por haber rematado aquella obra maestra; tan sólo él tenía derecho a arrancar los últimos velos que el pensamiento, el ademán, el hecho mismo de estar vivo interponían entre elllos, para descubrir a Patroclo en su suprema desnudez de muerto. En vano los jefes troyanos mandaban anunciar, al son de las trompetas, sabias luchas cuerpo a cuerpo, despojadas de la ingenuidad de los primeros años de guerra: viudo de aquel compañero, que merecía ser un enemigo, Aquiles ya no mataba, para no suscitarle a Patroclo rivales de ultratumba. "]
Marguerite Yourcenar, "Patroclo o el destino" en Fuegos, Cuentos Completos, Buenos Aires, Alfaguara, 2010, p.105-106

dimanche 31 octobre 2010

Le Feu Follet (1963)

La chambre


Maurice Ronnet
Le feu follet - Louis Malle (1963) 

"Cette chambre était aussi sans issue, c'était l'éternelle chambre où il vivait. Lui, qui depuis des années n'avait pas de domicile, avait pourtant son lieu dans cette prison idéale qui se refaisait pour lui tous les soirs, n'importe où.  Son émoi, évidé, était là, comme une plus petite boîte dans une plus grande boîte. Une glace, une fenêtre, une porte. La porte et la fenêtre ne s'ouvraient sur rien. La glace ne s'ouvrait que sur lui-même."
Pierre Drieu la Rochelle, Le feu follet, Paris, Gallimard-Folio, 1959, p. 33


Maurice Ronnet
Le feu follet - Louis Malle (1963)

["Ese cuarto tampoco tenía salida, era el eterno cuarto en el que vivía. Él, que desde hacía años no tenía domicilio, tenía sin embargo su lugar en esa prisión ideal que se rehacía para él todas las noches, sin importar dónde. Su emoción, vacía, estaba allí, como una caja más pequeña dentro de una caja más grande. Un espejo, una ventana, una puerta. La puerta y la ventana no se abrían a nada. El espejo no se abría más que a él mismo."]

vendredi 22 octobre 2010

Inexprimable amour

"Savoir qu'on n'écrit pas pour l'autre, savoir que ces choses que je vais écrire ne me feront jamais aimer de qui j'aime, savoir que l'écriture ne compense rien, ne sublime rien, qu'elle est précisément là où tu n'es pas - c'est le commencement de l'écriture."
Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux, (1977), OEuvres complètes, V 1977-1980, Paris, Seuil, p. 132


Shizuka Yokomizo
Stranger no. 10 (1999)

["Saber que no se escribe para el otro, saber que esas cosas que voy a escribir no me harán ser jamás amado por quien amo, saber que la escritura no compensa nada, no sublima nada, que ella está precisamente ahí donde no estás - eso es el comienzo de la escritura."]

jeudi 30 septembre 2010

L'harmonie

"Les angoisses de l'amour, les interrogations de l'esprit, les sourdes inquiétudes de la chair s'harmonisent à ces moments-là comme les couleurs et les formes d'un tableau de Vermeer."
Marguerite Yourcenar, Quoi? L'Éternité, Paris, Gallimard, Folio, 1988, p.131


Johannes Vermeer
La Ruelle (vers 1657-1658)
Huile sur toile - 54,3 x 44 cm

["Las angustias del amor, las interrogaciones del espíritu, las sordas inquietudes de la carne se armonizan en esos momentos como los colores y las formas de un cuadro de Vermeer."]

dimanche 26 septembre 2010

Antinoüs II

"S'il avait espéré me protéger par ce sacrifice, il avait dû se croire bien peu aimé pour ne pas sentir que le pire des maux serait de l'avoir perdu."

Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien, Paris, Gallimard, 1974, p. 220


Antinoüs Farnese

["Si había esperado protegerme mediante su sacrificio, debió pensar que yo lo amaba muy poco para no darse cuenta de que el peor de los males era el de perderlo." Traducción de Emma Calatayud]

mercredi 22 septembre 2010

Un long voyage...

Pour ceux qui sont à Paris...


EXPO MARINS du 22 septembre au 6 novembre 2010
GALERIE AU BONHEUR DU JOUR
11 RUE CHABANAIS
75002 PARIS

jeudi 9 septembre 2010

Paris

"Des nuages roses, en forme d'écharpe, s'allongeaient au-delà des toits; on commençait à relever les tentes des boutiques; des tombereaux d'arrosage versaient une pluie sur la poussière, et une fraîcheur inattendue se mêlait aux émanations des cafés, laissant voir par leurs portes ouvertes, entre des argenteries et des dorures, des fleurs en gerbes qui se miraient dans les hautes glaces. La foule marchait lentement. Il y avait des groupes d'hommes causant au milieu du trottoir; et des femmes passaient, avec une mollesse dans les yeux et ce teint de camélia que donne aux chairs féminines la lassitude des grandes chaleurs. Quelque chose d'énorme s'épanchait, enveloppait les maisons. Jamais Paris ne lui avait semblé si beau. Il n'apercevait, dans l'avenir, qu'une interminable série d'années toutes pleines d'amour.
Gustave Flaubert, L'Éducation sentimentale, Paris, Gallimard, 1965, p. 108


James Jacques Joseph Tissot
The Bunch of Vilolets (1875) 

["Nubes color de rosa, en forma de echarpe, se extendían por encima de los techos; los toldos de los negocios empezaban a levantarse; los carros de riego dispersaban una lluvia sobre el polvo, y una frescura inesperada se mezclaba con las emanaciones de los cafés, los que dejaban ver a través de sus puertas abiertas, entre platerías y doraduras, ramos de flores que se reflejaban en los altos espejos.  El gentío caminaba lentamente. Había grupos de hombres que hablaban en el medio de la vereda; y pasaban mujeres, con mirada insulsa y ese tinte de camelia que otorga a las carnes femeninas la lasitud de los grandes calores. Algo enorme se extendía y envolvía las casas. París nunca le había parecido tan bello. No percibía otra cosa, en el futuro, que una serie interminable de años plenos de amor."]  

mardi 31 août 2010

Les enfants tristes

"L'intensité du jeune homme timide n'échappe pourtant pas à Bernard Buffet, un autre "enfant triste" considéré comme le peintre le plus remarquable de sa génération. Après avoir assisté à la présentation de la collection "Trapèze" en 1958, il exécute la même année un portrait du jeune couturier, que celui-ci appréciera au point de le garder très longtemps dans sa chambre à coucher avant de le suspendre derrière son bureau dans son studio de l'avenue Marceau, où il se trouve encore aujourd'hui. Buffet a croqué un Saint Laurent qui s'apprête seulement à aborder l'âge d'homme, cet instant où le nez et le menton se livrent encore bataille, où y les traits du visage n'ont pas encore accepté d'occuper chacun leur rôle et de s'harmoniser entre eux. L'artiste a capturé la fragilité fuselée qui saute aux yeux de tous, évidemment, mais il a su aussi voir au-delà: il a remarqué la vaste plaine du front, le menton imposant et volontaire, les lignes creuses de la névrose et les yeux, ces yeux de Saint Laurent qui à la fois cherchent la gloire, observent la réalité en la filtrant et protègent sa vie intérieure du reste du monde." 

Alicia Drake, Beautiful people. Saint Laurent, Lagerfeld: splendeurs et misères de la mode, Paris, Denoël, 2008, pp. 48-49 



Bernard Buffet
Portrait d'Yves Saint Laurent (1958) 

[“La intensidad del tímido joven no escapa sin embargo a Bernard Buffet, otro “niño triste” considerado como el pintor más notable de su generación. Después de haber asistido a la presentación de la colección “Trapecio” en 1958, lleva a cabo el mismo año un retrato del joven diseñador, que éste último apreciará al extremo de conservarlo durante mucho tiempo en su cuarto antes de colgado detrás de su escritorio en su estudio de la avenida Marceau, en donde se encuentra aún hoy. Buffet ha dibujado rápidamente un Saint Laurent que solamente se prepara a alcanzar la edad de hombre, ese instante en el que la nariz y el mentón todavía se encuentran en guerra, en el que los rasgos de la cara no han todavía aceptado ocupar cada uno su rol y armonizarse entre ellos. El artista ha capturado la fragilidad ahusada que salta a los ojos de todos, evidentemente, pero ha sabido también ver más allá: ha notado el vasto llano de la frente, el mentón imponente y voluntarioso, las hondas líneas de la neurosis y los ojos, esos ojos de Saint Laurent que al mismo tiempo buscan la gloria, observan la realidad mientras la filtran y protegen su vida interior del resto del mundo.”]



Bernard Buffet et Yves Saint Laurent

mardi 10 août 2010

Les mots et l'amour

"...manier les mots, les soupeser, en explorer le sens, es une manière de faire l'amour, surtout lorsque ce qu'on écrit est inspiré par quelqu'un, ou promis à quelqu'un."

Marguerite Yourcenar, Quoi? L'Éternité, Paris, Gallimard, 1988, p. 147




["...manipular las palabras, sopesarlas, explorar su sentido, es una manera de hacer el amor, sobre todo cuando lo que se escribe está inspirado en alguien, o está prometido a alguien."]

lundi 2 août 2010

L'obstacle

"On croit que selon son désir on changera autour de soi les choses, on le croit parce que, hors de là, on ne voit aucune solution favorable. On ne pense pas à celle qui se produit le plus souvent et qui est favorable aussi: nous n'arrivons pas à changer les choses selon notre désir, mais peu à peu notre désir change. La situation que nous espérions changer parce qu'elle nous était insupportable, nous devient indifférente. Nous n'avons pas pu surmonter l'obstacle, comme nous le voulions absolument, mais la vie nous l'a fait contourner, dépasser, et c'est à peine alors si en nous retournant vers le lointain du passé nous pouvons l'apercevoir, tant il est devenu imperceptible."

Marcel Proust, Albertine disparue, Paris, Gallimard, 1989 et 1992, p. 35


Symphonie en blanc nº1: la dame blanche (1862)
Huile sur toile - 214,7 x 108 cm

["Uno cree que según su deseo cambiará a su alrededor las cosas, uno lo cree porque fuera de ello no ve otra solución favorable. Uno no piensa en ésa que se da con la mayor frecuencia y que es favorable también: no conseguimos cambiar las cosas según nuestro deseo, pero poco a poco nuestro deseo cambia. La situación que esperábamos cambiar porque nos era insoportable se nos vuelve indiferente. No pudimos vencer el obstáculo como queríamos absolutamente, pero la vida nos hizo esquivarlo, superarlo, y es apenas entonces al volvernos hacia el pasado lejano que conseguimos percibirlo, de tanto que se ha vuelto imperceptible."]

vendredi 30 juillet 2010

Antinoüs

"La mort d'Antinoüs n'est un problème et une catastrophe que pour moi seul. Il se peut que ce désastre ait été inséparable d'un trop-plein de joie, d'un surcroît d'expérience, dont je n'aurais pas consenti à me priver moi-même ni à priver mon compagnon de danger. Mes remords même sont devenus peu à peu une forme amère de possession, une manière de m'assurer que j'ai été jusqu'au but le triste maître de son destin. Mais je n'ignore pas qu'il faut compter avec les décisions  de ce bel étranger que reste malgré tout chaque être qu'on aime. En prenant sur moi toute la faute, je réduis cette jeune figure aux proportions d'une statuette de cire que j'aurais pétrie, puis écrasée entre mes mains. Je n'ai pas le droit de déprécier le singulier chef-d'œuvre que fut son départ; je dois laisser à cet enfant le mérite de sa propre mort." 

Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien, [Plon, 1958],  Paris, Gallimard,1974 , p. 189



["Sólo para mí la muerte de Antínoo es un problema y una catástrofe. Puede que ese desastre haya sido inseparable de un exceso de júbilo, un colmo de experiencia, de los que no habría consentido en privarme ni privar a mi compañero de peligro. Aun mis remordimientos se han convertido poco a poco en una amarga forma de posesión, una manera de asegurarme de que fui hasta el fin el triste amo de su destino. Pero no ignoro que hay que tener en cuentra las decisiones de ese bello extranjero que sigue siendo, a pesar de todo, cada ser que amamos. Al hacer recaer toda la falta sobre mí, reduzco su joven figura a las proporciones de una estatuilla de cera que, luego de plasmada, hubiera aplastado entre mis dedos. No tengo derecho a disminuir la singular obra maestra que fue su partida; debo dejar a ese niño el mérito de su propia muerte."]

Marguerite Yourcenar, Memorias de Adriano, Buenos Aires, Debolsillo, 2010, p. 157 - Traducción de Julio Cortázar

lundi 26 juillet 2010

Chéri

"Il remarqua que le ciel rose se mirait dans le ruisseau gorgé encore de pluie, sur le dos bleu des hirondelles volant à ras de terre, et parce que l’heure devenait fraîche, et que traîtreusement le souvenir qu’il emportait se retirait au fond de lui-même pour y prendre sa force et sa dimension définitives, il crut qu’il avait tout oublié et il se sentit heureux."

Colette COLETTE, La fin de Chéri, Paris, Calmann-Lévy, 1926, pág 105.


Marie Laurencin
Huile sur toile - 30.5 x 30 cm



["Él notó que el cielo rosa se reflejaba en el arroyo todavía cargado de lluvia y sobre el lomo azul de las golondrinas volando al ras del suelo; y porque la tarde se volvía fresca, y porque traicioneramente el recuerdo que llevaba consigo se retiraba hasta el fondo de sí mismo para tomar allí su fuerza y dimensión definitivas, él creyó que había olvidado todo y se sintió feliz."]

vendredi 9 juillet 2010

Le manuscrit

"J’ai eu la possibilité de consulter des notes manuscrites ajoutées par Marguerite Yourcenar à la transcription de ses propos enregistrés par Matthieu Galey pour l’édition de Les yeux ouverts, propos frappés de l’autorité et de la sérénité d’un auteur célèbre et vénéré, proche de sa quatre-vingtième année. Ces notes sont nombreuses et constituent des paragraphes importants. Elles sont écrites en quatre encres, noire, bleue, verte, mauve, qui se succèdent et se mélangent sans cohérence; de deux calligraphies, tantôt droite, tantôt penchée, elles aussi mélangées; les dernières lettres des mots étant souvent escamotées. Comme nous sommes loin de l’écriture “typographiée” de cet auteur aux longueurs de phrases les plus régulières, ponctuées avec soin, évitant tout enchaînement flou. Comme nous sommes loin du ton calme, presque détaché du texte. Qui était Marguerite Yourcenar?"

RICHAUDEAU, François, « La génétique du texte ou comment ils écrivent » dans Communication et langages, Nº 105, 3ème trimestre 1995, pp. 74-91


Lettre manuscrite de Marguerite Yourcenar (1935)

« Tuve la posibilidad de consultar notas manuscritas agregadas por Marguerite Yourcenar a la transcripción de sus palabras grabadas por Matthieu Galey para la edición de Les yeux ouverts, palabras sujetas a la autoridad y a la serenidad de una autora célebre y venerada, próxima a su octagésimo aniversario. Esas notas son numerosas y constituyen párrafos importantes. Están escritas en cuatro tintas, negra, azul, verde, violeta, las cuáles se suceden y se mezclan sin coherencia; en dos caligrafías, unas veces derecha, otras torcida, ellas también entremezcladas ; las últimas letras de las palabras a menudo escamoteadas. Cuán lejos estamos de la escritura « tipográfica » de esta autora de frases largas y regulares, puntuadas con cuidado, evitando todo encadenamiento flojo. Cuán alejados estamos de tu calma, casi desprendida del texto. ¿Quién era Marguerite Yourcenar ? »

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