jeudi 29 octobre 2009

Magie et bonheur


Sebastián Ingrassia
Traumland

“Walter Benjamin dit quelque part que la première expérience que l’enfant a du monde, n’est pas que “les adultes sont plus forts, mais qu’il est incapable de magie”. Cette affirmation faite sous l’effet de la mescaline, n’en est pas moins exacte. Il est probable en effet que l’invincible tristesse dans laquelle sombrent parfois les enfants naisse précisément de cette prise de conscience qu’ils ne sont pas capables de magie. Ce qu’il nous est donné d’atteindre à travers nos mérites et nos efforts ne peut nous rendre véritablement heureux. Seule la magie en est capable. C’est ce qui n’avait pas échappé au génie infantile de Mozart. Dans une lettre à Bullinger, il indique avec précision la secrète solidarité qui lie la magie et le bonheur : “Vivre bien et vivre heureux sont deux choses différentes, et la seconde, sans magie, ne m’arrivera certainement pas. Pour que je sois heureux, il faudrait qu’arrive quelque chose de vraiment extérieur à l’ordre naturel.“

Giorgio Agamben, “Magie et bonheur” dans Profanations, Paris, Rivages, 2006

Sebastián Ingrassia
Traumland

“Walter Benjamin dijo una vez que la primera experiencia que el niño tiene del mundo no es que “los adultos son más fuertes, sino su incapacidad de hacer magia”. La afirmación, efectuada bajo el efecto de una dosis de veinte miligramos de mescalina, no es por esto menos exacta. Es probable, en efecto, que la invencible tristeza en la cual se sumergen cada tanto los niños provenga precisamente de esta conciencia de no ser capaces de hacer magia. Aquello que podemos alcanzar a través de nuestros méritos y de nuestras fatigas no puede, de hecho, hacernos verdaderamente felices. Sólo la magia puede hacerlo. Esto no se le escapó al genio infantil de Mozart, quien en una carta a Bullinger señaló con precisión la secreta solidaridad entre magia y felicidad: “Vivir bien y vivir felices son dos cosas distintas; y la segunda, sin alguna magia, no me ocurrirá por cierto. Para que esto suceda, debería ocurrir alguna cosa verdaderamente fuera de lo natural". 

Giorgio Agamben, "Magia y felicidad" en Profanaciones, Buenos Aires, Adriana Hidalgo, 2005, p. 21  

Sebastián Ingrassia
Traumland

samedi 24 octobre 2009

Fragments, ombres

"Nous sommes tous incomplets, dit le Sage. Nous sommes tous partagés, fragments, ombres, fantômes sans consistance. Nous avons tous cru pleurer et cru jouir depuis des séquelles de siècles. [...]
-Le désir t'a appris l'inanité du désir, dit-il; le regret t'enseigne l'inutilité de regretter. Prends patience, ô Erreur dont nous sommes tous une part, ô Imparfaite grâce à qui la perfection prend conscience d'elle-même, ô Fureur qui n'es pas nécessairement immortelle..."
Marguerite Yourcenar, Nouvelles orientales, Paris, Gallimard, 1963, p. 127

Ivana Salfity
Portrait

"-Todos estamos incompletos -dijo el Sabio-. Todos nos hallamos divididos y somos fragmentos, sombras, fantasmas sin consistencia. Todos creemos llorar y gozar desde hace siglos. [...]
-El deseo te enseñó la inanidad del deseo; el arrepentimiento te enseña la inutilidad de arrepentirse. Ten paciencia, ¡oh, Error!, del que todos formamos parte... ¡Oh, Imperfecta!, en quien la perfección toma conciencia de sí misma, ¡oh Furor!, que no eres necesariamente inmortal..."
Marguerite Yourcenar, Cuentos orientales, Buenos Aires, Alfaguara, 2005, pp 108-109. Traducción de Emma Calatayud
 

samedi 17 octobre 2009

Des dieux

"Vivre jusqu'à la dernière minute sans savoir à quelle heure on va mourir est le plus beau cadeau que les dieux nous font, des dieux, quel que soit leur nom, en qui, rien que pour cette raison, on devrait croire."
François Weyergans, Trois jours chez ma mère, Paris, Grasset, 2005, p. 108

Girodet
Atala au tombeau (1807)
Huile sur toile - 207 x 267 cm 

["Vivir hasta el último minuto sin saber a qué hora vamos a morir es el más bello regalo que nos han hecho los dioses; dioses, cualquiera sea su nombre, en los que, nada más que por esta razón, habría que creer."]

dimanche 11 octobre 2009

Les mots

"Je commençais à me découvrir. Je n'étais presque rien, tout au plus une activité sans contenu, mais il n'en fallait pas davantage.  J'échappais à la comédie: je ne travaillais pas encore mais déjà je ne jouais plus, le menteur trouvait sa vérité dans l'élaboration de ses mensonges. Je suis né de l'écriture: avant elle, il n'y av
ait qu'un jeu de miroirs; dès mon premier roman, je sus qu'un enfant s'était introduit dans le palais de glaces. Écrivant, j'existais, j'échappais aux grandes personnes; mais je n'existais que pour écrire et si je disais: moi, cela signifiait: moi qui écris."
Jean-Paul Sartre, Les mots, Paris, Gallimard, 1964 p. 126

Red Morning Trouble
Gilbert & George
Mixed media - 1977 

[Comenzaba a descubrirme. No era casi nada, totalmente una actividad sin contenido, pero no hacía falta más. Escapaba al teatro: no trabajaba todavía pero ya no jugaba más, el mentiroso encontraba su verdad en la elaboración de sus mentiras. Nací de la escritura: antes de ella, no había más que un juego de espejos; desde mi primera novela supe que un niño se había introducido en el palacio de cristal. Escribiendo existía, escapaba a los adultos; pero no existía más que para escribir y si decía: yo, eso significaba: yo que escribo.]

samedi 10 octobre 2009

La passion II



Eusebio Poncela - Antonio Banderas
Pedro Almodóvar, La ley del deseo (1987)

"Il faut convenir, chère amie, que les passions sont un accident dans la vie, mais cet accident ne se rencontre que chez les âmes supérieures..." Stendhal, Le rouge et le noir, Paris, Gallimard, 1972, p. 465
"Les vraies passions sont égoïstes". 
Ibid, p. 143
"Toute vraie passion ne songe qu'à elle". 
Ibid. p. 239

Eusebio Poncela 

[Es necesario precisar, querida amiga, que las pasiones son un accidente en la vida, pero ese accidente no se encuentra sino en las almas superiores.
Las verdaderas pasiones son egoistas.
Toda verdadera pasión no sueña más que consigo misma".]

Eusebio Poncela - Antonio Banderas
Pedro Almodóvar, La ley del deseo (1987)

La passion

Penélope Cruz
Pedro Almodóvar, Los abrazos rotos (2009) 

...un film debe terminarse siempre "aunque sea ciego". 


Lluis Homar

 
...il faut toujours finir un film « même en aveugle ».


Ángela Molina - Penélope Cruz

jeudi 8 octobre 2009

Le baiser

"...on rompt des liens plus aisément qu'on ne s'échappe à soi-même; et, pour y réussir, déjà faut-il le désirer; or, ce n'est pas à linstant où je commençais à me découvrir, que je pouvais souhaiter me quitter, sur le point de découvrir en moi les tables de ma loi nouvelle. Car il ne me suffisait pas de m'émanciper de la règle; je prétendais légitimer mon délire, donner raison à ma folie."

André Gide, Si le grain ne meurt, Paris, Gallimard, 1955, p. 362


Javier Van de Couter
dans La nuit où Larry Kramer m'a embrassé
de David Drake

[... es más fácil romper con los lazos que escaparse de sí mismo; y, para tener éxito, hace falta ya desearlo; sin embargo, no era en el instante en que comenzaba a descubrirme que podía desear abandonarme, a punto de descubrir en mí las tablas de mi nueva ley. Pues no me bastaba con emanciparme de la regla; yo pretendía legitimar mi delirio, darle razón a mi locura..]

jeudi 1 octobre 2009

Le visage

Portraits (1998)

"Au mur, il y a un trou blanc, la glace. C'est un piège. Je sais que je vais m'y laisser prendre. Ça y est. La chose grise vient d'apparaître dans la glace. Je m'approche et je la regarde, je ne peux plus m'en aller.
C'est le reflet de mon visage. Souvent, dans ces journées perdues, je reste à le contempler. Je n'y comprends rien, à ce visage. Ceux des autres ont un sens. Pas le mien. Je ne peux même pas décider s'il est beau ou laid. je pense qu'il est laid, parce qu'on me l'a dit. Mais cela ne me frappe pas. Au fond je suis même choqué qu'on puisse lui attribuer des qualités de ce genre, comme si on appelait beau ou laid un morceau de terre ou bien un bloc de rocher.
Il y a quand même une chose qui fait plaisir à voir, au-dessus des molles régions des joues, au-dessus du front: c'est cette belle flamme rouge qui dore mon crâne, ce sont mes cheveux. Ça, c'est agréable à regarder. C'est une couleur nette au moins: je suis content d'être roux. C'est là, dans la glace, ça se fait voir, ça rayonne. J'ai encore de la chance: si mon front portait une de ces chevelures terne qui 'arrivent pas à se décider entre le châtain et le blond, ma figure se perdrait dans le vague, elle me donnerait le vertige."
Jean-Paul Sartre, La nausée, Paris, Gallimard, 1938, pp. 33-34

[En la pared hay un agujero blanco, el espejo. Es una trampa. Sé que voy a dejarme atrapar. Ya está. La cosa gris acaba de aparecer en el espejo. Me acerco y la miro; ya no puedo irme.
Es el reflejo de mi rostro. A menudo en estos días perdidos, me quedo contemplándolo. No comprendo nada en este rostro. Los de los otros tiene un sentido. El mío, no. Ni siquiera puedo decidir si es lindo o feo. Pienso que es feo, porque me lo han dicho. Pero no me sorprende. En el fondo, a mí mismo me choca que puedan atribuirle cualidades de ese tipo, como si llamaran lindo o feo a un montón de tierra o a un bloque de piedra.
Sin embargo hay algo agradable a la vista, encima de las regiones blandas de las mejillas, sobre la frente: la hermosa llamarada roja que me dora el cráneo, mi pelo. Es agradable de mirar. Por lo menos es un color definido: estoy contento de ser pelirrojo. Ahí, en el espejo, se hace ver, resplandece. Tengo suerte: si mi frente llevara una de esas cabelleras que no llegan a decidirse entre el castaño y el rubio, mi cara se perdería en el vacío, me daría vértigo.]
Jean-Paul Sartre, La náusea, México, Editorial Época, p. 13. Traducción de Aurora Bernárdez.


Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...