mercredi 29 avril 2009

Pygmalion


Paul Delvaux
Pygmalion (1939)
Huile sur toile - 117 x 147.5 cm

"Cet été les roses sont bleues; le bois c'est du verre. La terre drapée dans sa verdure me fait aussi peu d'effet qu'un revenant. C'est vivre et cesser de vivre qui sont des solutions imaginaires. L'existence est ailleurs."
André Breton, Manifeste du surréalisme, Paris, Gallimard, ([1924] 1962; 1979), p. 60 

"Este verano las rosas son azules; la madera es vidrio. La tierra arropada en su verdor me causa tan poco efecto como un aparecido. Es vivir y dejar de vivir, las cuales son soluciones imaginarias. La existencia está en otra parte."

mardi 28 avril 2009

Volodia (II)

Jason Rodgers
Charly

"Volodia avait trompé le temps jusqu'à l'extrême limite, attendant le dernier jour que nous passions ensemble pour réaliser ce à quoi il souhaitait que je renonce, se donnant ainsi tout le temps de ne pas faire ce qu'il voulait n'avoir jamais désiré."
Gilles Leroy, L'amant russe, Paris, Mercure de France, 2002, p. 133

"Volodia se había burlado del tiempo hasta el extremo límite, esperando hasta el último día que pasábamos juntos para concretar eso a lo que él deseaba que yo renunciara, dándose así todo el tiempo de no llevar a cabo lo que hubiera preferido no haber deseado jamás."

samedi 25 avril 2009

Le désespoir


Jean (Hans) Arp
Configuration (1951)
Litographie - 56.8 x 38 cm

"Ce soir, nous sommes deux devant ce fleuve qui déborde notre désespoir. Nous ne pouvons même plus penser. Les paroles s'échappent de nos bouches tordues, et, lorsque nous rions, les passants se retournent, effrayés, et rentrent chez eux précipitamment."
André Breton/Philippe Soupault, "La glace sans tain" dans Les champs magnetiques, Heidelberg, Wunderhorn, 1990, p. 10

"Esta noche, somos dos frente a este río que desborda nuestra desesperación. No podemos siquiera pensar. Las palabras se escapan de nuestras bocas retorcidas y, mientras reimos, los transeúntes se dan vuelta, sorprendidos, y corren a sus casas precipitadamente."

vendredi 24 avril 2009

L'allégresse

Marie Laurencin
Portrait de Juliette Roche Gleizes (Ca. 1917-1918)
Huile sur carton - 58.5 x 46 cm
"Tout ce qui jusqu’ici composait l’originalité, la délicatesse des arts féminins dans la dentelle, la broderie, la tapisserie de Bayeux, etc., nous les retrouvons ici transfiguré, purifié. L’art féminin est devenu un art majeur et on ne le confondra plus avec l’art masculin. L’art féminin est fait de bravoure, de courtoisie, d’allégresse. Il danse dans la lumière et s’alanguit dans le souvenir. Il n’a jamais connu l’imitation, il n’est jamais descendu aux bassesses de la perspective. C’est un art heureux.
[…] L’art féminin, l’art de Mlle. Laurencin, tend à devenir une pure arabesque humaniste par l’observation attentive de la nature et qui, étant expressive, s’éloigne de la simple décoration tout en demeurant aussi agréable."
Guillaume Apollinaire, « Méditations esthétiques. Les Peintres cubistes. Peintres nouveaux » dans Œuvres en prose complètes, Paris, Gallimard, 1991, p.34-39
"Todo lo que hasta aquí formaba parte de la originalidad, la delicadeza de las artes femeninas en el encaje, el bordado, la tapicería de Bayeux, etc., lo encontramos aquí transfigurado, purificado. El arte femenino se ha convertido en un arte mayor y ya no se lo confundirá con el arte masculino. El arte femenino está hecho de bravura, de cortesía, de alegría. Baila en la luz y perdura en el recuerdo. Nunca conoció la imitación, ni descendió jamás a las bajezas de la perspectiva. Es un arte feliz.
[...]
El arte femenino, el arte de Mlle. Laurencin, tiende a volverse un arabesco humanista puro por la observación atenta de la naturaleza, la cual, aún expresiva, se aparta de la simple decoración resultando también agradable. "

mardi 21 avril 2009

L'apparence

Emil Nolde
Still Life, Tulips, (Ca.1930)
Watercolor on paper - 46.9 x 34.2 cm

"Les grands poètes et les grands artistes ont pour fonction sociale de renouveler sans cesse l'apparence que revêt la nature aux yeux des hommes.
Sans les poètes, sans les artistes les hommes s'ennuieraient vite de la monotonie naturelle. L'idée sublime qu'ils ont de l'univers retomberait avec une vitesse vertigineuse."

Guillaume Apollinaire, "Méditations esthétiques. Les Peintres cubistes. Sur la peinture" dans OEuvres en prose complètes II, Paris, Gallimard, 1991, p. 12

"Los grandes poetas y los grandes artistas tienen como función social renovar sin cesar la apariencia que reviste la naturaleza ante los ojos de los hombres.
Sin los poetas, sin los artistas los hombres se aburrirían rápidamente de la monotonía natural. La idea sublime que tienen del universo caería con una rapidez vertiginosa."

lundi 20 avril 2009

La constellation

Oil and tempera on canvas - 17 1/8 x 17 1/8 inches

"L'art ne reproduit pas le visible; il rend visible. Et le domaine graphique, de par sa nature même, pousse à bon droit aisément à l'abstraction."
Paul Klee, "Credo du créateur" dans Théorie de l'Art Moderne

"El arte no reproduce lo visible; vuelve visible. Y el dominio gráfico, por su misma naturaleza, empuja fácilmente y con razón hacia la abstracción."
Paul Klee, "Credo del creador" en Teoría del arte moderno, Buenos Aires, Cactus, 2007, p. 35


Paul Klee
Arches of the Bridge Break Ranks (1937)
Charcoal on cloth, mounted on paper
Cloth: 16 3/4 x 16 1/2 inches; paper: 19 5/8 x 18 3/8 inches

jeudi 16 avril 2009

Le désir (II)


Anouk Aimée
Claude Lelouch - Un homme et une femme (1966) 

«Le cinéma substitue à nos regards un monde qui s'accorde à nos désirs.»
André Bazin
"El cine pone frente a nuestros ojos un mundo acorde con nuestros deseos."

Jean-Louis Trintignant
Claude Lelouch - Un homme et une femme (1966) 

mardi 14 avril 2009

Le poète et sa muse

Henri Rousseau
La muse inspirant le poète (1909)
(Marie Laurencin et Guillaume Apollinaire)
Huile sur toile - 146 x 97 cm

"Comme peintre de portraits, Rousseau est incomparable. [...] J'ai eu deux fois l'honneur d'être peint par Rousseau, dans son petit atelier de la rue Perrel, je l'ai vu souvent travailler et je sais quel souci il avait de tous les détails, quelle faculté il avait de garder la conception primitive et définitive de son tableau jusqu'à ce qu'il l'eût achevé et aussi qu'il n'abandonnait rien au hasard et rien sourtout de l'essentiel."

Guillaume Apollinaire, Méditations esthétiques. Les Peintres cubistes. Peintres nouveaux dans OEuvres en prose complètes II, Paris, Gallimard 1991, p. 37


"Como pintor de retratos, Rousseau es incomparable. [...] He tenido dos veces el honor de ser pintado por Rousseau en su pequeño taller de la calle Perrel; lo he visto trabajar a menudo y sé cuánto celo ponía en todos los detalles, cuán grande era su capacidad para mantener la concepción primitiva y definitiva de su obra hasta haberla terminado; no dejaba nada librado al azar, nada de lo esencial sobre todo."

dimanche 12 avril 2009

Le retour


Aurélie Nemours
Retour
Gouache sur papier - 37,7 x 35,8 cm

"Les pleures la réveillent. Elle vous regarde. Elle regarde la chambre. Et de nouveau elle vous regarde. Elle caresse votre main. Elle demande: Vous pleurez pourquoi? Vous dites que c'est à elle de dire pourquoi vous pleurez, que c'est elle qui devrait le savoir.
Elle répond tout bas, dans la douceur: Parce que vous n'aimez pas. Vous répondez que c'est ça.
Elle vous demande de le lui dire clairement. Vous le lui dites: Je n'aime pas.
Elle dit: Jamais?
Vous dites: Jamais.
Elle dit: L'envie d'être au bord de tuer un amant, de le garder pour vous, pour vous seul, de le prendre, de le voler contre toutes les lois, contre tous les empires de la morale, vous ne la connaissez pas, vous ne l'avez jamais connue?
Vous dites: Jamais.
Elle vous regarde, elle répète: C'est curieux un mort."
Marguerite Duras, La maladie de la mort, Paris, Minuit, 1982, p. 44-45

samedi 11 avril 2009

Les changements


Gustave Caillebotte
Nasturces (1892)

"[...] "On dirait que le temps a changé". Ces mots me remplirent de joie, comme si la vie profonde, le surgissement de combinaisons différentes qu'ils impliquaient dans la nature, devait annoncer d'autres changements, ceux-là se produisant dans ma vie, et y créer de possibilités nouvelles. Rien qu'en ouvrant la porte sur le parc avant de partir, on sentait qu'un autre "temps" occupait depuis un instant la scène; des souffles frais, volupté estivale, s'élevaient dans la sapinière (où jadis Mme de Cambremer rêvait de Chopin) et presque imperceptiblement, en méandres caressants, en remous capricieux, commençaient leurs légers nocturnes."  
Marcel Proust, Sodome et Gomorre, Paris, Gallimard, 1988, p. 365

samedi 4 avril 2009

Le désir (I)


Jacques-Emile Blanche 
Portrait de Marcel Proust (1892)
Huile sur toile - 73.5 x 60,5 cm

"Notre moindre désir bien qu'unique comme un accord, admet en lui les notes fondamentales sur lesquelles toute notre vie est construite. Et parfois si nous supprimions l'une d'elles, que nous n'entendons pas pourtant, dont nous n'avons pas conscience, qui ne se rattache en rien à l'objet que nous poursuivons, nous verrions pourtant tout notre désir de cet objet s'évanouir". 
Marcel Proust, Albertine disparue, Paris, Gallimard, 1992, p. 207

jeudi 2 avril 2009

Le matin

Un matin à Ouchy

"Le matin est mon séjour. Il s'y trouve pour moi une tristesse sobre et transparente. J'ai presque froid et encore chaud des chaleurs du lit. Je suis toujours à ce point de la journée à demi percé quant au coeur de je ne sais quel trait qui me ferait venir des larmes sans cause -à demi fou de lucidité sans objet- et d'une froide et implacable tension de compréhension. [...] Le matin agit et pousse ses pensées dans le temps vierge."

Paul Valéry, Cahiers I, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 1973, p. 110-111

mardi 31 mars 2009

Rubans

Andrés Sobrino
Cintas (2003)


Je sens des boums et des bangs
Agiter mon coeur blessé
L'amour comme un boomerang
Me revient des jours passés
À pleurer les larmes dingues
D'un corps que je t'avais donné
Serge Gainsbourg

vendredi 27 mars 2009

L'espérance

Puvis de Chavannes
L'espérance (1872)
Huile sur toile - 82 cm x 71 cm
Musée d'Orsay

Circonspection

Donne ta main, retiens ton souffle, asseyons-nous
Sous cet arbre géant où vient mourir la brise
En soupirs inégaux sous la ramure grise
Que caresse le clair de lune blême et doux.

Immobiles, baissons nos yeux vers nos genoux.
Ne pensons pas, rêvons. Laissons faire à leur guise
Le bonheur qui s'enfuit et l'amour qui s'épuise,
Et nos cheveux frôlés par l'aile des hiboux.

Oublions d'espérer. Discrète et contenue,
Que l'âme de chacun de nous deux continue
Ce calme et cette mort sereine du soleil.

Restons silencieux parmi la paix nocturne :
Il n'est pas bon d'aller troubler dans son sommeil
La nature, ce dieu féroce et taciturne.

Paul Verlaine

mardi 24 mars 2009

J'ai été tagué




Et en même temps gâté, flatté. Car j'apprécie cette preuve de sympathie qui, en outre, me fait savoir que vous lisez régulièrement mon blog. Cependant, je ne suis pas le meilleur pour cette habitude du tag. La plupart du temps j'ai du mal à trouver le bon moment pour m'en occuper.
De toutes façons, en vous remerciant et pour vous faire plaisir, voilà mon devoir accompli.
St Loup

samedi 21 mars 2009

L'automne

Paris, Musée de la Vie Romantique

"Puis l'automne arriva. À ce moment-là, mon cœur avait trouvé l'apaisement. J'étais finalement parvenu à cette conclusion: il m'était impossible de continuer à vivre comme ça."
Haruki Murakami, Au sud de la frontière à l'ouest du soleil, Paris, Éditions 10/18, 2002, p. 165

vendredi 20 mars 2009

Le dernier jour


Tomás Fracchia
Huile sur Toile (2003)


Comme une pierre que l'on jette
Dans l'eau vive d'un ruisseau
Et qui laisse derrière elle
Des milliers de ronds dans l'eau
Comme un manège de lune
Avec ses chevaux d'étoiles
Comme un anneau de Saturne
Un ballon de carnaval
Comme le chemin de ronde
Que font sans cesse les heures
Le voyage autour du monde
D'un tournesol dans sa fleur
Tu fais tourner de ton nom
Tous les moulins de mon cœur

Comme un écheveau de laine
Entre les mains d'un enfant
Ou les mots d'une rengaine
Pris dans les harpes du vent
Comme un tourbillon de neige
Comme un vol de goélands
Sur des forêts de Norvège
Sur des moutons d'océan
Comme le chemin de ronde
Que font sans cesse les heures
Le voyage autour du monde
D'un tournesol dans sa fleur
Tu fais tourner de ton nom
Tous les moulins de mon cœur

Ce jour-là près de la source
Dieu sait ce que tu m'as dit
Mais l'été finit sa course
L'oiseau tomba de son nid
Et voila que sur le sable
Nos pas s'effacent déjà
Et je suis seul à la table
Qui résonne sous mes doigts
Comme un tambourin qui pleure
Sous les gouttes de la pluie
omme les chansons qui meurent
Aussitôt qu'on les oublie
Et les feuilles de l'automne
Rencontre des ciels moins bleus
Et ton absence leur donne
La couleur de tes cheveux

Une pierre que l'on jette
Dans l'eau vive d'un ruisseau
Et qui laisse derrière elle
Des milliers de ronds dans l'eau
Au vent des quatre saisons
Tu fais tourner de ton nom
Tous les moulins de mon cœur

Michel Legrand, Les moulins de mon coeur

jeudi 19 mars 2009

La vérité - II

Pierre-Cécile Puvis de Chavannes
Décollation de Saint Jean-Baptiste (1869)
Huile sur toile - 240 x 316.2 cm.

"La vérité, ça peut couper les mains et laisser des entailles à ne plus pouvoir vivre avec, et la plupart d'entre nous, ce qu'on veut, c'est vivre. Le moins douloureusement possible. C'est humain."

Philippe Claudel, Le rapport de Brodeck, Paris, Stock, 2007, p. 12

mercredi 18 mars 2009

L'inspiration


Constant Montald
La fontaine de l'inspiration (1907)
Huile sur toile - 393 x 490 cm
Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique

"Pour certains faits, on détient la preuve tangible qu'ils ont eu lieu. Notre mémoire et nos impressions sont trop incertaines, trop générales pour prouver à elles seules leur réalité. Jusqu'où des faits que nous tenons pour certains le sont-ils? À partir d'où deviennent-ils seulement des faits que nous tenons pour "réels"? Dans la plupart des cas, il est impossible de faire la différence. Pour nous assurer que ce que nous considérons comme la réalité l'est bien, nous avons besoin d'une autre réalité qui nous permette de relativiser et qui, elle-même, a besoin d'une autre réalité pour lui servir de base. Et ainsi de suite, jusqu'à créer dans notre conscience une chaîne qui se poursuit indéfiniment. Il n'est sans doute pas exagéré de dire que c'est dans le maintien de cette chaîne que nous puisons le sentiment de notre existence réelle. Mais que chette chaîne vienne à être brisée, et immédiatement nous sommes perdus. La véritable réalité est-elle du côté du chaînon brisé, ou du côté où la chaîne se poursuit?"

Haruki Murakami, Au sud de la frontière à l'ouest du soleil, Paris, Éditions 10/18, 2002, p. 211

lundi 16 mars 2009

Te rencontrer sans te chercher

Paul Klee
Nouvelle harmonie (1936)
93,6 x 66,3 cm
..............................................................

Le paysage se complète, sang aux joues,
Les masses diminuent et coulent dans mon coeur
Avec le sommeil.
Et qui donc veut me prendre le coeur.

..............................................................

Comment prendre plaisir à tout ?
Plutôt tout effacer.
L’homme de tous les mouvements,
De tous les sacrifices et de toutes les conquêtes
Dort. Il dort, il dort, il dort.
Il raye de ses soupirs la nuit miniscule, invisible.

Il n’a ni froid, ni chaud.
Son prisonnier s’est évadé — pour dormir.
Il n’est pas mort, il dort.
Quand il s’est endormi
Tout l’étonnait,
Il jouait avec ardeur,
Il regardait,
Il entendait.
Sa dernière parole :
« Si c’était à recommencer, je te rencontrerais sans te chercher. »

Il dort, il dort, il dort.
L’aube a eu beau lever la tête,
Il dort.

Paul Éluard, Au coeur de mon amour

mercredi 11 mars 2009

Saint-Sulpice

Jean-Hugues Anglade
Patrice Chéreau, L'Homme blessé (1983)

"Que les résolutions humaines soient sujettes à changer, c'est ce qui ne m'a jamais causé d'étonnement; une passion les fait naître, une autre passion peut les détruire; mais quand je pense à la sainteté de celles qui m'avaient conduit à Saint-Sulpice et à la joie intérieure que le Ciel m'y faisait goûter en les exécutant, je suis effrayé de la facilité avec laquelle j'ai pu les rompre. S'il est vrai que les secours célestes sont à tous moments d'une force égale à celle des passions, qu'on m'explique donc par quel funeste ascendant on se trouve emporté tout d'un coup loin de son devoir, sans se trouver capable de la moindre résistance, et sans ressentir le moindre remords."
Abbé Prévost, Manon Lescaut, Paris, Librairie Générale Française, 1972, p. 39

mardi 10 mars 2009

La vérité

François Morellet
3 Doubles trames (1975)

"La vérité est un moyen. Il n'est pas le seul."
Paul Valéry, Mélange

vendredi 6 mars 2009

Sang diû

Chen Lian Xing 
Little Town (2000)
Watercolor
Red Lantern Folk Art, Mukashi Collection

"Le vieil homme pense à tout cela. Assis sur ce banc qui est devenu, en l'espace de deux jours seulement, un petit endroit familier, un morceau de bois flotté auquel il se serait accroché au beau milieu d'un large torrent, tourbillonnant et bizarre. Et il tient au chaud contre lui la dernière branche de ce rameau, qui pour l'instant dort de son sommeil sans peur, sans mélancolie ni tristesse, de ce sommeil de nourrisson repu, heureux de trouver la chaleur de la peau aimée, son onctuosité tiède et la caresse d'une voix aimante."

Philippe Claudel, La petite fille de Monsieur Linh, Paris, Stock, 2005, p. 46

jeudi 5 mars 2009

Milk

Sean Penn
Gus Van Sant - Milk (2008)

Without hope, life's not worth living.
Harvey Milk

James Franco
Gus Van Sant - Milk (2008)

Sans espoir, la vie ne vaut pas la peine.

dimanche 1 mars 2009

Psyché


François Pascal Simon Gérard
Psyché et l'Amour (1798)
Huile sur toile - 186 x 132 cm

"Pourtant, depuis que Shimamoto-san avait disparu, j'avais l'impression de vivre sur la lune, privé d'oxygène. Sans Shimamoto-san je n'avais plus un seul lieu au monde où ouvrir mon cœur. Pendant mes nuits d'insomnie, allongé dans mon lit, immobile, je pensais encore et encore à l'aéroport de Komatsu sous la neige. Ce serait bien si les souvenirs finissaient par s'user à force de les voir et les revoir, me disais-je. Mais celui-là ne s'effaçait pas, loin de là."
Haruki Murakami, Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil, Paris, Éditions 10/18, 2002,  p. 164

jeudi 26 février 2009

La vie


Giorgio de Chirico
Le cerveau de l'enfant (1914) 

"La vie ne serait-elle qu'un immense mensonge? Ne serait-elle que l'ombre d'un rêve fuyant? Ne serait-elle que l'écho des coups mystérieux frappés là-bas contre les rochers de la montagne dont personne paraît-il n'a vu le versant opposé."
Giorgio de Chirico, Manuscrit

mercredi 25 février 2009

L'amour


"Je ne tiens qu'aux choses qui me viennent des êtres que j'ai aimés
et qui ne sont plus."
Georges Sand

mardi 24 février 2009

Pretend

"Nat King Cole chantait Pretend. Bien sûr, le sens des paroles en anglais m'échappait totalement; pour moi, ce n'était qu'une sorte d'incantation, mais j'aimais cette chanson, et je l'avais déjà écoutée tant de fois que je pouvais répéter de mémoire les paroles du début:

Julie Delpy et Ethan Hawke - Before sunset (2004)

Pretend that you're happy when you're blue
it isn't very hard to do...

Julie Delpy et Ethan Hawke - Before sunrise (1995)

Aujourd'hui, naturellement, je sais que cela veut dire: "Faire semblant d'être heureux quand on a le cafard, ce n'est pas très compliqué." Évidemment, c'est une façon comme une autre de voir la vie, mais c'est parfois très difficile."

Shakespeare & Co. - Paris

Haruki Murakami, Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil, Paris, Éditions 10/18, 2002, p. 15-16

lundi 23 février 2009

François


François Bégaudeau
Laurent Cantet, Entre les murs (2008)


"Ne rien dire, ne pas s'envoler dans le commentaire, rester à la confluence du savoir et de l'ignorance, au pied du mur. Montrer comment c'est, comment ça se passe, comment ça marche, comment ça ne marche pas. Diviser les discours par des faits, les idées par de gestes. Juste documenter la quotidienneté laborieuse."
François Bégadeau, Entre les murs


dimanche 22 février 2009

Shimamoto-san


Rinko Kinkuchi
Alejandro González Iñárritu, Babel

"Cependant, même après avoir cessé de lui rendre visite, je continuai de penser à elle avec nostalgie. Au cours de cette période triste et confuse appelée adolescence, le souvenir chaleureux de Shimamoto-san m'encouragea souvent, me consola aussi parfois. Longtemps, elle tint une place à part dans mon cœur. Une place laissée libre uniquement pour elle, comme un table tranquille au fond d'un restaurant avec un carton "Réservé" posé dessus. Pourtant je croyais alors ne jamais la revoir."
Haruki Murakami, Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil, Paris, Éditions 10/18, 2002, p. 20-21

samedi 21 février 2009

Fée


Gustave Moreau
Fée aux griffons (vers 1876)
Huile sur toile - 212 x 120 cm 

"La beauté, l'amour, c'est là que j'en ai eu la révélation à travers quelques visages, quelques poses de femme. [...] J'ai toujours rêvé d'y entrer la nuit par effraction, avec une lanterne surprendre la fée aux griffons dans l'ombre."
André Breton. 

jeudi 12 février 2009

Pio

Pio (1999)

"Puis des souvenirs me reviennent. Ne vous effrayez pas : je ne décrirai rien ; je ne vous dirai pas les noms ; j’ai même oublié les noms, ou ne les ai jamais su. Je revois la courbe particulière d’une nuque, d’une bouche ou d’une paupière, certains visages aimés pour leur tristesse, le pli de lassitude qui abaissait leurs lèvres, ou même ce je ne sais quoi d’ingénu qu’a la perversité d’un être jeune, ignorant et rieur ; tout ce qui affleure d’âme à la surface d’un corps."

Marguerite Yourcenar, Alexis ou le Traité du Vain Combat, Paris, Gallimard, 1971, p. 70-71

mardi 10 février 2009

Susana


Roberto Aizenberg
Pintura (1981)
oil on canvas laid on wood
90 x 60 cm


"Hay pueblos que saben a desdicha. Se les conoce con sorber un poco de su aire viejo y entumido, pobre y flaco como todo lo viejo. Éste es uno de esos pueblos, Susana."


Juan Rulfo, Pedro Páramo, Barcelona, R M Verlag, [1955] 2005, p. 88


"Il y a des villages qui ont un goût de malheur. Pour les reconnaître il suffit d'humer un peu de leur air. Un air vieux et timide, pauvre et maigre comme tout ce qui est vieux. Comala est un de ces villages-là, Susana."

lundi 9 février 2009

Comala

Georges Rohner
Le village
Huile sur toile - 60 x 81 cm

"Oía de vez en cuando el sonido de las palabras, y notaba la diferencia. Porque las palabras que había oído hasta entonces, hasta entonces lo supe, no tenían ningún sonido, no sonaban; se sentían; pero sin sonido, como las que se oyen durante los sueños."

Juan Rulfo, Pedro Páramo, Barcelona, R M Verlag, [1955] 2005, p. 51

"De temps en temps j'entendais le son des mots, et je voyais la différence. Parce que les mots que j'avais entendus jusqu'à alors, alors je l'ai appris, n'avaient pas de son, ils ne sonnaient pas; on les sentait; mais sans son, comme les mots qu'on entend dans les rêves."

samedi 7 février 2009

La robe noire

Alex Katz
The black dress (1960)

"En robe noire comme toujours, parce qu'elle croyait qu'en noir on est toujours bien et que c'est qu'il y a de plus distingué, elle avait le visage excessivement rouge comme chaque fois qu'elle venait de manger. Elle s'inclina devant Swann avec respect, mais se redressa avec majesté. Comme elle n'avait aucune instruction et avait peur de faire des fautes de français elle prononçait exprès d'une manière confuse, pensant que si elle lâchait un cuir il serait estompé d'un tel vague qu'on ne pourrait le distinguer avec certitude, de sorte que sa conversation n'était qu'un graillonnement indistinct duquel émergeaient de temps à autre les rares vocables dont elle se sentait sûre. Swann crut pouvoir se moquer légèrement d'elle en parlant à M. Verdurin, lequel au contraire fut piqué."
Marcel Proust, Du côté de chez Swann, Paris, Gallimard, 1987, p. 201 

mercredi 4 février 2009

L'heure exquise

Jean-Baptiste-Siméon Chardin
Basket of Wild Strawberries (1761)
Oil on canvas - 38 x 46 cm

Leurre exquis...
Or, tout était truqué. Du plâtre en la farine
Dans le sel, de la terre, et, dans le pain, de tout.
Du poisson daans le vin, puis, pour couper la toux
Des pastilles de miel en pure saccharine.

De vieux pneus en lambeaux tassés dans des terrines
Deviennent tripes. Mais les restaurants surtout
Avec des bas morceaux font des plats de haut goût
Dont le prix approche le goût, on le devine.

Boris Vian

vendredi 30 janvier 2009

Nana


John Currin
Rachel and Butterflies (1999)
Oil on canvas - 68 x 38 inches


""N'est-ce pas? disait Satin, c'est très bon, leur fricot."
Nana hochait la tête, satisfaite. C'était l'ancien dîner solide d'un hôtel de province: vol-au-vent à la financière, poule au riz, haricots au jus, crème à la vanille glacée de caramel. Ces dames tombaient particulièrement sur la poule au riz, éclatant dans leurs corsages, s'essuyant les lèvres d'une main lente. D'abord, Nana avait eu peur de rencontrer d'anciennes amies qui lui auraient fait des questions bêtes; mais elle se tranquillisa, elle n'apercevait aucune figure de connaissance, parmi cette foule très mélangée, où des robes déteintes, des chapeaux lamentables s'étalaient à côté de toilettes riches dans la fraternité des mêmes perversions. Un instant elle fut intéressée par un jeune homme, aux cheveux courts et bouclés, le visage insolent, tenant en haleine, pendue à ses moindres caprices, toute une table de filles, qui crevaient de graisse. Mais, comme le jeune homme riait, sa poitrine se gonfla. 
"Tiens, c'est une femme!" laissa-t-elle échapper dans un léger cri. 
Satin, qui se bourrait de poule, leva la tête en murmurant: 
"Ah! oui, je la connais... Très chic! On se l'arrache."
Nana fit une moue dégoûtée. Elle ne comprenait pas encore ça. Pourtant, elle disait, de sa voix raisonnable, que des goûts et des couleurs il ne fallait pas disputer, car on ne savait jamais ce qu'on pourrait aimer un jour. Aussi mangeait-elle sa crème d'un air de philosophie, en s'apercevant parfaitement que Satin révolutionnait les tables voisines, avec ses grands yeux bleus de vierge."
Émile Zola, Nana, Paris, Gallimard, 1977, p. 260-261

jeudi 29 janvier 2009

"Je n'aime le ciel qu'habité de nuages"

Yuko Shiraishi
Flux (7) (2004)
Oil on canvas - 137 x 122 cm

"Les planeurs. À Romain. Couchés, toi et moi. La colline est de craie. Couché, toi à côté de moi, je guette le ciel, et les planeurs. Ils surgiront là. À la crête de craie, là où le ciel bascule, limite. Il en surgira un, puis deux. Et trois. Tu me serreras la main. Ce rêve, je l'ai fait hier. Je te l'écris au futur. Le présent des planeurs nous est interdit."
Yves Navarre, Le jardin d'acclimatation, Paris, Flammarion, 1980, p. 194

mardi 27 janvier 2009




Elizabeth Peyton
Craig (1998)
Watercolor on paper
34,3 x 27,9 cm


"Ils se retrouvaient dans la même petite chambre, tremblants, ils sombraient dans le noir, ils n'avaient presque pas le temps de se parler. Ils ne savaient rien l'un de l'autre, mais leurs corps se reconnaissaient avec tant de ferveur, de piété, un tel sentiment d'absolu que leur mémoire se décrocherait sous la force de l'instant et qu'ils cherchaient désespérément et vainement l'un l'autre, après s'être qittés, un souvenir précis, un des mots chuchotés dans l'obscurité, un geste. Il se quittaient toujours comme deux somnambules, presque distraits et c'était seulement deux heures plus tard qu'ils recommençaient à attendre, comme le seul point vivant de leur vie, la seule réalité, le moment où ils se retrouveraient. Tout le reste était mort. Seule cette attente les maintenait au courant de l'heure, du temps, des autres, parce qu'elle les transformait en obstacle."

Françoise Sagan, La Chamade, Paris, Juillard, 1965, p. 55-56

lundi 26 janvier 2009

农历新年

La nouvelle année chinoise du BOEUF de TERRE commence aujourd'hui, le 26 janvier 2009. Le Nouvel An chinois 农历新年 (nónglì xīnnián) aussi appelé Fête du printemps ou Fête du Têt au Vietnam est la fête la plus importante pour les communautés chinoises à travers le monde entier. Le terme nónglì xīnnián signifie littéralement "nouvel an du calendrier agricole" car il se célèbre suivant le calendrier chinois qui est à la fois lunaire et solaire.


Le Bœuf ou Buffle est le deuxième Animal dans l'ordre d'arrivée qui apparaît dans le zodiaque chinois, lié au calendrier chinois. Le Boeuf sait très tôt ce que sera sa vie, au sommet. Le Boeuf a un caractère qui varie mais garde toujours une expression claire, il est souvent à la base de travaux qui concernent la fondation des relations sociales. Le Boeuf est convaincu de son bon droit et ne s'embarrasse pas des obstacles qu'il trouve parfois sur son chemin. Intelligent, ambitieux, prudent, patient, déterminé, voire têtu, le Buffle est un être puissant. Son approche est souvent lente, mais le Buffle est capable de grandes réalisations. Il a également beaucoup d'endurance. Introverti et sérieux, il ne semble pas se préoccuper de ce que les autres pensent de lui. Aussi, il regrette de ne pas entrer facilement en communication avec son entourage. En tant qu’ami, le Buffle est un allié fidèle et protecteur.

vendredi 23 janvier 2009

Claire

Alex Katz
Lita (1964)
Oil on canvas - 60 x 60 inches
"C'est une femme longue, sèche, vigoureuse, une de ces femmes blondes qui pourraient aussi bien être brunes. Elle avait un peu plus de cinquante ans, ne les paraissait pas et elle parlait gaiement de l'amour en femme que ça n'intéresse plus mais qui en garde de bons souvenirs. En conséquence, les femmes l'aimaient bien et les hommes lui faisaient une cour égrillarde avec de grands rires. Elle faisait partie de cette vaillante petite cohorte de femmes quinquagénaires qui, à Paris, se débrouillent, et pour vivre et pour rester à la mode -parfois même pour la faire. Claire Santré avait toujours, dans ses dîners mondains, un ou deux Américains, un ou deux Vénézuéliens dont elle prévenait à l'avance qu'ils n'étaient pas drôles mais qu'elle était en affaires avec eux. Ils dînaient chez elle près d'une femme à la mode, suivaient difficilement une conversation faite d'énigmes, d'ellipses et de plaisanteries incompréhensibles dont on pouvait espérer qu'il feraient au retour, un joyeux récit à Caracas. Moyennant quoi, Claire avait l'exclusivité des tissus vénézuéliens en France ou le contraire et ses réceptions ne manquaient du whisky. Au demeurant, c'était une habile personne et elle ne disait du mal de quelqu'un que lorsque c'était indispensable pour n'avoir pas l'air stupide."
Françoise Sagan, La Chamade, Paris, Juillard, 1965, p. 19-20

mercredi 21 janvier 2009

Le portrait-nu


Richard Avedon
Contessa Christina Paolozzi, Hair by Kenneth, New York.
June 1961
Gelatin silver print - 15.7 x 10.6 cm
© 2009 The Richard Avedon Foundation


- Et si je vous photographiais ?
- Mais oui, pourquoi pas ?
- Je prépare les appareils et l’éclairage.
- Je vais me préparer moi-même dans la chambre à côté.
Décidément, oui, j’aimais ce visage si simple, composé de quelques méplats, ce regard ardent dont le mystère entièrement extraverti s’épuisait dans une attente de ce qui peut arriver –événements, choses, gens. Je déroulai le fond de papier blanc qui supprime toute espèce de « décor » et isole le sujet comme dans un champ de neige. Je branchai les deux spots de mille watts. Je choisis l’objectif Elmarit de 90 mm, incomparable pour les portraits.
- Vous êtes prêt ?
- Parfaitement.
Elle s’avança bravement sur la plage éblouissante de lumière qui s’offrait à ses pieds. Y avait-il eu malentendu ? Elle était nue comme Ève au Paradis. En disant « photo », j’avais pensé « portrait ». Elle avait compris « nu ». »

Michel Tournier, "Le portrait-nu" dans petites proses, Paris, Gallimard, 1986, p. 148

lundi 19 janvier 2009

Un instant II

Piet Mondrian
"J'étais couché dans mon lit d'infirmerie; je regardais, à travers la vitre, le mur gris de la cour voisine, et des voix rauques d'enfants montaient. Je me disais que la vie serait éternellement ce mur gris, ces voix rauques, et ce malaise d'un trouble caché. Je me disait que rien n'en valait la peine, et qu'il serait aisé de ne plus vouloir vivre. Et lentement, comme une sorte de réponse que je me faisais à moi même, une musique montait en moi. C'était d'abord une musique funébre, mais elle cessait bientôt de pouvoir être appelée ainsi, car la mort n'a plus de sens où la vie n'atteint pas, et cette musique planait beaucoup au-dessus d'elles. C'était une musique paisible, paisible parce qu'elle était puissante. Elle emplissait l'infirmerie, elle me roulait sous elle comme dans le bercement d'une lente houle régulière, voluptueuse, à laquelle je ne résistais pas, et pendant un instant je me sentais calmé."


Marguerite Yourcenar, Alexis ou le Traité du Vain Combat, Paris, Gallimard, 1971, p. 48
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