"J'étais couché dans mon lit d'infirmerie; je regardais, à travers la vitre, le mur gris de la cour voisine, et des voix rauques d'enfants montaient. Je me disais que la vie serait éternellement ce mur gris, ces voix rauques, et ce malaise d'un trouble caché. Je me disait que rien n'en valait la peine, et qu'il serait aisé de ne plus vouloir vivre. Et lentement, comme une sorte de réponse que je me faisais à moi même, une musique montait en moi. C'était d'abord une musique funébre, mais elle cessait bientôt de pouvoir être appelée ainsi, car la mort n'a plus de sens où la vie n'atteint pas, et cette musique planait beaucoup au-dessus d'elles. C'était une musique paisible, paisible parce qu'elle était puissante. Elle emplissait l'infirmerie, elle me roulait sous elle comme dans le bercement d'une lente houle régulière, voluptueuse, à laquelle je ne résistais pas, et pendant un instant je me sentais calmé."
Marguerite Yourcenar, Alexis ou le Traité du Vain Combat, Paris, Gallimard, 1971, p. 48
2 commentaires:
Wouah, Juan ! Quelle grande dame, que ta Margueritte... A chaque fois, c'est en plein coeur... Et cette musique dont elle parle... Et la tienne... Merci encore. Je t'embrasse bien.
Merci à toi. Très heureux de savoir que tu as aimé. :)
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