"Et ce fut à ce moment que mes mains m'apparurent. Mes mains reposaient sur les touches, deux mains nues, sans bague, sans anneau, -et c'était comme si j'avais sous les yeux mon âme deux fois vivante. Mes mains (j'en puis parler, parce que ce sont mes seules amies) me semblaient tout à coup extraordinairement sensitives; même immobiles, elles paraissaient effleurer le silence comme pour l'inciter à se révéler en accords. Elles reposaient, encore un peu tremblantes du rythme, et il y avait en elles tous les gestes futurs, comme tous les sons possibles dormaient dans ce clavier. Elles avaient noué autour des corps la brève joie des étreintes; elles avaient palpé, sur les claviers sonores, la forme des notes invisibles; elles avaient, dans les ténèbres, enfermé d'une caresse le contour des corps endormis."
Marguerite Yourcenar, Alexis ou le Traité du Vain Combat
["Y fue en ese momento que mis manos se me aparecieron. Mis manos reposaban sobre las teclas, dos manos desnudas, sin sortija, sin anillo -y era como tener bajo mis ojos mi alma dos veces viva. Mis manos (puedo hablar de ellas porque son mis únicas amigas) me parecían de repente extraordinariamente sensitivas; aún inmóbiles, parecían rozar el silencio como para incitarlo a revelarse en acordes. Ellas reposaban, todavía un poco temblorosas a causa del ritmo, y había en ellas todos los gestos futuros, al igual que todos los sonidos posibles dormían en ese teclado. Ellas habían atado alrededor de los cuerpos la breve alegría de los abrazos; ellas habían palpado, sobre los teclados sonoros, la forma de notas invisibles; ellas habían, en las tinieblas, encerrado en una caricia el contorno de los cuerpos dormidos."]
Merci à Guy-François, à François et à Olivier d'avoir prêté leurs mains.
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