jeudi 5 juin 2008

Êcrire, c'est être avec soi







"Je t'écris alors que je n'ai pas reçu de lettre de toi, en équilibre entre l'angoisse d'imaginer que, si je ne reçois rien, c'est parce que tu n'envoies rien (et pourquoi n'envoies-tu rien?) et la colère (injuste) devant la lenteur de l'acheminement du courrier en temps de guerre.
Je t'écris parce que c'est impossible de ne pas écrire, impossible de demeurer muet, impossible de ne pas tenter de te rejoindre par les mots, impossible de te chasser de mes pensées et quand ces pensées virent à l'obsession, l'écriture devient un exutoire, une thérapie.
Je t'écris parce que tes lettres mettent davantage de temps à me parvenir que je ne suis capable d'attendre avant de revenir vers toi et qu'ainsi, elles mesurent mon impatience, la montée inexorable de mon impatience.
Je t'écris parce que t'écrire, c'est être avec toi. C'est une tentative de rapprochement, vouée à l'échec si l'on considère qu'une lettre n'a jamais aboli une distance physique, mais peut-être aboutie quand on songe qu'au moment précis de l'écriture, je ne pense qu'à toi, à rien d'autre que cela qui est toi, je suis tout entier tourné vers toi. (...)"

Philippe Besson, En l'absence des hommes, Paris, Julliard, 2001 p.167-168

["Te escribo porque no he recibido ninguna carta tuya, en equilibrio entre la angustia de imaginar que si no recibo nada es porque no enviás nada (¿y por qué no enviás nada?) y la cólera (injusta) ante la lentitud del correo en tiempos de guerra.
Te escribo porque es imposible no escribir, imposible permanecer mudo, imposible no intentar reunirme con vos a través de las palabras, imposible expulsarte de mis pensamientos, y cuando esos pensamientos se tornan obsesivos, la escritura se vuelve una salida, una terapia.
Te escribo porque tus cartas tardan más tiempo en llegar del que soy capaz de esperar hasta volver a verte y, de ese modo, miden mi impaciencia, el aumento inexorable de mi impaciencia.
Te escribo porque escribirte es estar con vos. Es una tentativa de acercamiento, condenada al fracaso si se piensa que una carta no ha jamás abolido una distancia física, aunque quizás exitosa si se piensa que en el momento preciso de la escritura no pienso más que en vos, en nada que no seas vos, estoy completamente volcado hacia vos. (...)"
Philippe Besson, En ausencia de los hombres]

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