"Le débat entre ceux qui affirment que l'univers a été crée par Dieu et ceux qui pensent qu'il est apparu tout seul concerne quelque chose qui dépasse notre entendement et notre expérience. Autrement réelle est la différence entre ceux qui doutent de l'être tel qu'il a été donné à l'homme (peu importe comment et par qui) et ceux qui y adhèrent sans réserve.
Derrière toutes les croyances européennes, qu'elles soient religieuses ou politiques, il y a le premier chapitre de la Genèse, d'où il découle que le monde a été créé comme il fallait qu'il le fût, que l'être est bon et que c'est donc une bonne chose de procréer. Appelons cette croyance fondamentale accord catégorique avec l'être.
Si, récemment encore, dans les livres, le mot merde était remplacé par de pointillés, ce n'était pas pour des raisons morales. On ne va tout de même pas prétendre que la merde est immorale! Le désaccord avec la merde est métaphysique. L'instant de la défécation est la preuve quotidienne du caractère inacceptable de la Création. De deux choses l'une: ou bien la merde est acceptable (alors ne vous enfermez pas à clé dans les waters!), ou bien la manière dont on nous a créés est inadmissible.
Il s'ensuit que l'accord catégorique avec l'être a pour idéal esthétique un monde où la merde est niée et où chacun se comporte comme si elle n'existait pas. Cet idéal esthétique s'appelle le kitsch.
C'est un mot allemand qui est apparu au milieu du XIXe siècle sentimental et que s'est ensuite répandu dans toutes les langues. Mais l'utilisation fréquente qui en est faite a gommé sa valeur métaphysique originelle, à savoir: le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde; au sens littéral comme au sens figuré: le kitsch exclut de son champ de vision tout ce que l'existence humaine a d'essentiellement inacceptable."
Milan Kundera, L'insoutenable légèrté de l'être, Paris, Gallimard, 1987, p. 356-357
Miguel Bosé
Pedro Almodóvar - Tacones lejanos (1991)
[El debate entre los que afirman que el universo fue creado por Dios y aquellos que piensan que apareció por sí mismo, tiene que ver con algo que sobrepasa nuestro entendimiento y nuestra experiencia. Es también real la diferencia entre los que dudan del ser tal y como ha sido dado al hombre (poco importa cómo y por quién) y aquellos que adhieren a él sin reserva.
Detrás de todas las creencias europeas, sean religiosas o políticas, existe el primer capítulo del Génesis, del cual resulta que el mundo fue creado como era necesario que fuera, que el ser es bueno y que, por lo tanto, la procreación es algo bueno. Llamemos a esta creencia fundamental acuerdo categórico con el ser.
Si hasta hace poco aun, en los libros, la palabra mierda era reemplazada por una línea de puntos, no era por razones morales. ¡No vamos sin embargo a afirmar que la mierda es inmoral! El desacuerdo con la mierda es metafísico. El instante de la defecación es la pueba cotidiana del carácter inaceptable de la Creación. Una de dos: o bien la mierda es aceptable (¡entonces no se encierren con llave en el baño!), o bien el modo en el que fuimos creados es inadmisible.
Consecuentemente el acuerdo categórico con el ser tiene como ideal estético un mundo en el que la mierda es negada y en el que todos se comportan como si ella no existiera. Ese ideal estético se llama kitsch.
Es una palabra alemana que apareció a mediados del siglo XIX sentimental y que más tarde se extendió a todas las lenguas. Pero la utilización frecuente que se ha hecho de ella ha borrado su valor metafísico original, a saber: el kitsch por esencia es la negación absoluta de la mierda; tanto en el sentido literal como en el figurado: el kitsch excluye de su campo de visión todo aquello que la existencia humana tiene de esencialmente inaceptable.]
2 commentaires:
Mon auteur et mon livré préféré ! ;)
Merci Antoine! Moi aussi j'aime beaucoup Kundera.
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