lundi 29 novembre 2010

Dying - Morir - Mourir

Dying
Is an art, like everything else,
I do it exceptionally well.

I do it so it feels like hell.
I do it so it feels real.
I guess you could say I've a call.

It's easy enough to do it in a cell.
It's easy enough to do it and stay put.
It's the theatrical

Comeback in broad day
To the same place, the same face, the same brute
Amused shout:

'A miracle!'
That knocks me out.
There is a charge

For the eyeing of my scars, there is a charge
For the hearing of my heart----
It really goes.

Sylvia Plath, “Lady Lazarus” in Ariel, Madrid, Hiperión, 1999, p. 34-36

Sylvia Plath

Morir
Es un arte, como todo.
Yo lo hago excepcionalmente bien.

Tan bien, que parece un infierno.
Tan bien, que parece de veras.
Supongo que cabría hablar de vocación.

Es bastante fácil hacerlo en una celda.
Es bastante fácil hacerlo, y quedarse esperando.
Es la teatral

Reaparición a pleno día,
En el mismo lugar; ante la misma cara, al mismo bestial
Y divertido grito

-¡es un milagro!-,
que me deja inconsciente.
Hay que pagar;

Por verme las cicatrices; hay que pagar
Por escucharme el corazón…
Late de veras.

Traducción de Ramón Buenaventura


Mourir
Est un art, comme tout le reste.
Je le fais exceptionnellement bien.

Je le fais et c’est l’enfer.
Je le fais et c’est la vérité.
C’est le retour

Le retour théâtral en plein jour
Au même endroit, au même visage, au même cri
Amusé et brutal :

« Un miracle! »
Qui me terrasse.
Il faut payer

Pour scruter mes cicatrices, payer
Pour entendre mon cœur –
Il bat vraiment bien.

Traduction de Laure Vernière

lundi 22 novembre 2010

Nature morte

HIATUS IRRATIONALIS

Choses, que coulent en vous la sueur ou la sève,
Formes, que vous naissiez de la forge ou du sang,
Votre torrent n’est pas plus dense que mon rêve ;
Et, si je ne vous bats d’un désir incessant,

Je traverse votre eau, je tombe vers la grève
Où m’attire le poids de mon démon pensant.
Seul, il heurte au sol dur sur quoi l’être s’élève,
Au mal aveugle et sourd, au dieu privé de sens,

Mais sitôt que tout verbe a péri dans ma gorge,
Choses, que vous naissiez du sang ou de la forge,
Nature, - je me perds au flux d’un élément :

Celui qui couve en moi, le même vous soulève,
Formes, que coule en vous la sueur ou la sève,
C’est le feu qui me fait votre immortel amant.

H.-P., août 29

Jacques Lacan, Le phare de Neuilly, 1933.



Giorgio Morandi
Huile sur toile - 40.64 x 46.04 cm


Cosas, ya fluya en vosotras el sudor o la savia,
Formas, ya nazcáis de la fragua o de la sangre,
Vuestro torrente no es más denso que mi sueño ;
Y, cuando no os golpeo con un deseo incesante,

Atravieso vuestra agua, caigo hacia la arena
Donde me arroja el peso de mi demonio pensante.
Solo, choca contra el duro suelo donde se eleva el ser
Al mar ciego y sordo, hacia el dios privado del sentido.

Pero, al perecer todo verbo en mi garganta,
Cosas, ya nazcáis de la sangre o de la fragua,
Naturaleza, -me pierdo en el flujo de un elemento :

Aquel que arde en mí, el mismo que os subleva,
Formas, ya fluya en vosotras el sudor o la savia,
El fuego me hace vuestro inmortal amante.

Agosto de 1929

Jacques Lacan, "Hiatus irrationalis" in Héctor Libertella (compilador), Literal 1973-1977, Buenos Aires, Santiago Arcos, 2002, p. 89 - Versión de Oscar Masotta 

vendredi 19 novembre 2010

De mon physique

"Je n'ai jamais eu un beau visage. La jeunesse me tenait lieu de beauté. Mon ossature est bonne. Les chairs s'organisent mal dessus. En outre le squelette change à la longue et s'abîme. Mon nez, que j'avais droit, se busque comme celui de mon grand-père. Et j'ai remarqué que celui de ma mère s'était busqué sur son lit de mort. Trop de tempêtes internes, de souffrances, de crises de doute, de révoltes matées à la force du poignet, de gifles du sort m'ont chiffonné le front, creusé entre les sourcils une ride profonde, tordu ces sourcils, drapé lourdement les paupières, molli les joues creuses, abaissé les coins de la bouche, de telle sorte que si je me penche sur une glace basse je vois mon masque se détacher de l'os et prendre une forme informe. Ma barbe pousse blanche. Mes cheveux, en perdant l'épaisseur, ont gardé leur révolte. Il en résulte une gerbe de mèches qui se contredisent et ne peuvent se peigner. Si elles s'aplatissent elles me donnent un air minable. Si elles se redressent, cette coiffure hirsute semble être le signe d'une affectation. 
Mes dents se chevauchent. Bref, sur un corps ni grand ni petit, mince et maigre, armé de mains qu'on admire parce qu'elles sont longues et très expressives, je promène une tête ingrate. Elle me donne une fausse morgue. Cette fausse morgue vient de mon désir de vaincre la gêne que j'éprouve à me montrer tel que je suis, et sa promptitude à fondre, de la crainte qu'on puisse la prendre pour une morgue véritable."
Jean Cocteau, "De mon physique" in La Difficulté de l'être, (1947), Paris, Rocher, 1989, pp. 31-32
Marie Laurencin
Portrait de Cocteau (1921)

["Nunca tuve un bello rostro. La juventud ocupaba en mí el lugar de la belleza. Mi estructura ósea es buena. La carne se organiza mal por encima. Además, el esqueleto cambia con el tiempo y se estropea. Mi nariz, que era derecha, se encorva como la de mi abuelo. Y he notado que la de mi madre se encorvó sobre su lecho de muerte. Demasiadas tormentas internas, sufrimientos, crisis de duda, revueltas reprimidas a fuerza de puño. Bofetadas de ese tipo me han ajado la frente, han cavado entre las cejas una arruga profunda, han desfigurado esas cejas, han drapeado pesadamente los párpados, han reblandecido las mejillas huecas, bajado la comisura de los labios, de tal manera que si me inclino sobre un espejo bajo veo mi máscara desprenderse de los huesos y adoptar una forma informe. Mi barba crece blanca. Mis cabellos, que han ido perdiendo espesor, han conservado su rebeldía. Se han convertido en un haz de mechas que se contradicen imposibles de peinar. Si se alisan me dan un aire lamentable. Si se enderezan, ese peinado hirsuto parece un gesto afectado.
Mis dientes se encabalgan. En suma, sobre un cuerpo ni alto ni bajo, delgado y magro, armado de manos que despiertan admiración porque son largas y expresivas, paseo una cabeza poco agraciada. Ella me da una falsa altivez. Esta falsa altivez proviene de mi deseo de vencer la incomodidad que me provoca el mostrarme tal como soy y su prontitud a disolverse ante el temor de que alguien pueda confundirla con una altivez verdadera."]

mardi 16 novembre 2010

Achille et Patrocle

Jacques-Louis David
Patrocle (1780)
Huile sur toile - 122 x 170 cm

"Depuis la mort de cet ami qui tout à la fois avait rempli le monde et l'avait remplacé, Achille ne quittait plus sa tente jonchée d'ombres: nu, couché à même la terre comme s'il s'efforçait d'imiter ce cadavre, il se laissait ronger par la vermine de ses souvenirs. De plus en plus, la mort lui apparaissait comme un sacre dont seuls les plus purs sont dignes: beaucoup d'hommes se défont, peu d'hommes meurent. Toutes les particularités dont il se souvenait en pensant à Patrocle: sa pâleur, ses épaules rigides, un rien remontées, ses mains toujours un peu froides, le poids de son corps croulant dans le sommeil avec une densité de pierre acquéraient enfin leur plein sens d'attributs posthumes, comme si Patrocle n'avait été vivant qu'une ébauche de cadavre. La haine inavouée qui dort au fond de l'amour prédisposait Achille à la tâche de sculpteur: il enviait Hector d'avoir achevé ce chef-d'œuvre; lui seul aurait dû arracher les derniers voiles que la pensée, le geste, le fait même d'être en vie interposaient entre eux, pour découvrir Patrocle dans sa sublime nudité de mort. En vain, les chefs troyens faisaient annoncer à son de trope de savants corps à corps dépouillés de l'ingénuité des premières années de guerre: veuf de ce compagnon qui méritait d'être un ennemi, Achille ne tuait plus, pour ne pas susciter à Patrocle des rivaux d'outre tombe."
Marguerite Yourcenar, "Patrocle ou le destin" dans Feux, [(1936), 1957 Plon], Paris, Gallimard - L'imaginaire, 1974, p. 63-65

François Léon Bénouville
La colère d'Achille (1847)
Huile sur toile - 1,56 x 054 cm

["Desde la muerte del amigo que había llenado el mundo y lo había reemplazado, Aquiles no abandonaba su tienda alfombrada de sombras: desnudo, acostado en el suelo como si se esforzara por imitar al cadáver, se dejaba roer por los piojos del recuerdo. Cada vez con más frecuencia, la muerte le parecía un sacramento del que sólo son dignos los más puros: muchos hombres se deshacen, pero pocos hombres mueren. Todas las particularidades que recordaba al pensar en Patroclo -su palidez, sus hombros rígidos, más bien altos, sus manos que siempre estaban algo frías, el peso de su cuerpo desplomándose en el sueño con densidad de piedra- adquirían por fin su pleno sentido de atributos póstumos, como si Patroclo hubiera sido, estando vivo, un esbozo de cadáver. El odio inconfesado que duerme en el fondo del amor predisponía a Aquiles hacia la tarea de escultor: envidiaba a Héctor por haber rematado aquella obra maestra; tan sólo él tenía derecho a arrancar los últimos velos que el pensamiento, el ademán, el hecho mismo de estar vivo interponían entre elllos, para descubrir a Patroclo en su suprema desnudez de muerto. En vano los jefes troyanos mandaban anunciar, al son de las trompetas, sabias luchas cuerpo a cuerpo, despojadas de la ingenuidad de los primeros años de guerra: viudo de aquel compañero, que merecía ser un enemigo, Aquiles ya no mataba, para no suscitarle a Patroclo rivales de ultratumba. "]
Marguerite Yourcenar, "Patroclo o el destino" en Fuegos, Cuentos Completos, Buenos Aires, Alfaguara, 2010, p.105-106

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