samedi 19 février 2011

Un amant

"D’abord, ce fut comme un étourdissement ; elle voyait les arbres, les chemins, les fossés, Rodolphe, et elle sentait encore l’étreinte de ses bras, tandis que le feuillage frémissait et que les joncs sifflaient. 
Mais, en s’apercevant dans la glace, elle s’étonna de son visage. Jamais elle n’avait eu les yeux si grands, si noirs, ni d’une telle profondeur. Quelque chose de subtil épandu sur sa personne la transfigurait. 
Elle se répétait : « J’ai un amant ! un amant ! », se délectant à cette idée comme à celle d’une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc posséder enfin ces joies de l’amour, cette fièvre du bonheur dont elle avait désespéré. Elle entrait dans quelque chose de merveilleux où tout serait passion, extase, délire ; une immensité bleuâtre l’entourait, les sommets du sentiment étincelaient sous sa pensée, et l’existence ordinaire n’apparaissait qu’au loin, tout en bas, dans l’ombre, entre les intervalles de ces hauteurs. 
Alors elle se rappela les héroïnes des livres qu’elle avait lus, et la légion lyrique de ces femmes adultères se mit à chanter dans sa mémoire avec des voix des sœurs qui la charmaient. Elle devenait elle-même comme une partie véritable de ces imaginations et réalisait la longue rêverie de sa jeunesse, en se considérant dans ce type d’amoureuse qu’elle avait tant envié. D’ailleurs, Emma éprouvait une satisfaction de vengeance. N’avait-elle pas assez souffert ! Mais elle triomphait maintenant, et l’amour, si longtemps contenu, jaillissait tout entier avec des bouillonnements joyeux. Elle le savourait sans remords, sans inquiétude, sans trouble."

FLAUBERT, Gustave, Madame Bovary, Paris, Librairie Géneral Française, 1972, p.191-192
and-coloured. 16x11,5cm.



Gravure (1850) 
Peint à la main -16 x 11,5cm.

[“Al principio sintió como un mareo ; veía los árboles, los caminos, las cunetas, a Rodolphe, y se sentía todavía estrechada entre sus brazos, mientras que se estremecía el follaje y silbaban los juncos. 
Pero al verse en el espejo se asustó se asustó de su cara. Nunca había tenido los ojos tan grandes, tan negros ni tan profundos. Algo sutil esparcido sobre su persona la transfiguraba. 
Se repetía : « ¡Tengo un amante !, ¡un amante ! », deleitándose en esta idea, como si sintiese renacer en ella otra pubertad. Iba, pues a poseer por fin esos goces del amor, esa fiebre de felicidad que tanto había ansiado. 
Penetraba en algo maravilloso donde todo sería pasión, éxtasis, delirio ; una azul inmensidad la envolvía, las cumbres del sentimiento resplandecían bajo su imaginación, y la existencia ordinaria no aparecía sino a lo lejos, muy abajo, en la sombra, entre los intervalos de aquellas alturas. 
Entonces recordó a las heroínas de los libros que había leído y la legión lírica de esas mujeres adúlteras empezó a cantar en su memoria con voces de hermanas que la fascinaban. Ella venía a ser como una parte verdadera de aquellas imaginaciones y realizaba el largo sueño de su juventud, contemplándose en ese tipo de enamorada que tanto había deseado. Además Emma experimentaba una satisfacción de venganza. ¡Bastante había sufrido ! Pero ahora triunfaba, y el amor, tanto tiempo contenido, brotaba todo entero a gozosos borbotones. Lo saboreaba sin remordimiento, sin preocupación, sin turbación alguna]

Madrid, Cátedra, 2001, p.246 – Traducción de Germán Palacios

jeudi 10 février 2011

Une vérité

"Beaucoup d'hommes naissent aveugles et ils ne s'en aperçoivent que le jour où une bonne vérité leur crève les yeux."
Jean Cocteau, La machine infernale, Paris, Grasset, 1934, p. 91



Jean Auguste Dominique Ingres
Œdipe explique l'énigme du Sphinx (1808)
Huile sur toile - 189 x 133 cm

["Muchos hombres nacen ciegos y no se dan cuenta de ello hasta el día en que una buena verdad les revienta los ojos".]
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